Non légalement qualifié?


Enseignante au primaire
Je suis légalement qualifiée en enseignement du français. J’ai gradué il y a plus de 10 ans. J’ai toujours été détentrice d’un brevet d’enseignement. J’ai eu la chance de choisir ma voie professionnelle très jeune, d’étudier dans le bon domaine, d’avoir eu du travail depuis ma sortie de l’école.
Depuis 5 ans, je travaille avec les nouveaux enseignants d’anglais de mon centre de services, certains ont étudié dans ce domaine, mais la très grande majorité a étudié pour enseigner autre chose et un certain nombre appartient à la catégorie des non légalement qualifiés.
Dans notre jargon, ça veut essentiellement dire que cette personne n’est pas détentrice d’un brevet d’enseignement, qu’on l’engage en dernier recours. En éducation, on arrive très souvent au dernier recours. J’ai fait d’incroyables rencontres dans les dernières années. Des gens qui n’avaient jamais pensé devenir enseignants et qui ont eu la piqûre. Ils y ont mis toute leur énergie, toute leur résilience et toute leur bonne volonté.
Je vous écris aujourd’hui pour faire un appel à la bienveillance de nos propos. Ces enseignants SONT des enseignants. Leur talon de paie ne nous regarde en rien. Est-ce que j’aimerais qu’il y ait des enseignants qualifiés pour combler tous les contrats? Certainement! Malheureusement, ce n’est pas le cas. Est-ce que je pense que ces enseignants sont prêts à 100% à accomplir les tâches qu’on leur confie? Certainement pas.
Par contre, de ce terme “non légalement qualifié” ce que la majorité d’entre eux retient c’est : NON QUALIFIÉ. C’est atrocement dur sur la confiance en soi de se faire rappeler que l’on fait un travail pour lequel nous ne sommes pas qualifiés. C’est aussi peu rassurant pour les parents d’entendre que l’enseignant de leurs enfants est “NON QUALIFIÉ”.
Je plaide ici pour l’accompagnement de ces enseignants, tout comme je plaide pour l’accompagnement de tous les nouveaux enseignants. Dans le cadre de mon travail, j’accompagne tous les profs selon leurs questionnements et leurs inquiétudes et non pas en fonction de la qualification légale inscrite sur leur talon de paie. Quand une personne se porte volontaire pour faire un travail que personne d’autre avec une qualification légale ne pouvait faire, ce n’est pas à elle de porter le fardeau de son manque de formation, mais bien au système qui a mené à son embauche au départ.
C’est à force de travailler avec des personnes incroyables qui n’avaient pas de qualifications légales que j’ai appris à faire attention à mon vocabulaire. Miss Susan (nom fictif) n’est pas une NLQ, c’est une personne, volontaire et débrouillarde qui a décidé de se lancer tout un défi et de venir aider une école. Je suis contente de voir que mon centre de services a décidé d’investir et d’offrir de l’accompagnement en anglais au primaire, c’est un pas dans la bonne direction, très certainement. Je sais que d’autres centres de services offrent de la formation aux suppléants qui débutent dans le domaine, que des programmes de mentorat existent aussi. Il en faut plus de ces initiatives.
Notre déception, notre incompréhension de la situation (pourquoi on en est rendus là) ne doit pas être versée sur ces personnes. Au lieu de juger, nous devrions demander des ressources pour les accompagner, à faire contre mauvaise fortune, bon coeur. Car s’il y a une chose que j’ai apprise c’est que la grande majorité de ces enseignants particuliers ont un coeur en or et que prendre soin d’eux est la moindre des choses parce qu’on a besoin de leur énergie dans le réseau.